Un blouson dans l’entrée, un soupir dans le salon

Ou comment concilier passion de la moto et vie de famille sans se faire doubler par la routine

Dans l’entrée, y’a mon blouson. Il pend comme un vieux souvenir de jeunesse, entre le cartable de ma fille et le sac à main de ma femme. Il sent l’essence, le cuir et la liberté. Et chaque fois que je passe devant, j’ai une bouffée de virée dans le nez. Mais dans le salon, y’a un soupir. Discret, mais là. Celui de celle qui partage ma vie, mes emmerdes… et parfois, mes inquiétudes quand je rentre en retard avec les phares encore tièdes. Parce que la moto, chez nous, c’est pas qu’un plaisir solitaire : c’est une négociation permanente.

Chronique : Un blouson dans l'entrée, un soupir dans le salon
Chronique : Un blouson dans l’entrée, un soupir dans le salon

Les deux amours du motard

Quand t’es jeune, t’as qu’une maîtresse : la route. Tu peux partir à l’aube, rentrer à minuit, bouffer du bitume et dormir sur une selle sans que personne ne lève un sourcil. Mais passé quarante balais, avec des mômes à l’école et un prêt sur le dos, faut jongler. La passion devient clandestine. On s’arrange, on compose. On cale une virée entre deux anniversaires, on part à l’aube pour être rentré avant le marché. On devient le James Bond de la balade : timing serré, logistique millimétrée, mission délicate.

Et pourtant… pourtant on continue. Parce qu’on sait, au fond, que si on coupe le moteur trop longtemps, c’est pas juste la batterie qui va se vider. C’est nous.

Être père… sans tuer le motard

On me demande souvent si c’est compatible, la moto et les enfants. Question idiote, réponse simple : évidemment. Mais pas n’importe comment. Parce qu’être père, c’est pas renoncer à ce qu’on aime, c’est apprendre à le partager. Mes gamins, ils connaissent les marques avant de savoir lire. Ils montent sur le réservoir à l’arrêt, ils m’aident à nettoyer les jantes. Et quand je pars rouler, je leur dis où je vais. Je leur promets de faire gaffe. Et je le fais.

La clé, c’est pas d’opposer les rôles. C’est de les conjuguer. Je suis motard ET père de famille. Pas un malgré l’autre. Mais grâce aux deux.

La conjointe et le cliquetis de soupapes

Et puis y’a elle. Celle qui soupire quand elle voit le casque sur la table. Qui me regarde sortir en gants d’été alors qu’il pleut. Qui supporte mes discours enflammés sur une vieille CB750 comme si je parlais d’une ex.

Faut pas se mentir, ça use parfois. Elle a signé pour vivre avec un homme, pas avec un piston. Mais elle sait aussi ce que ça me fait. Elle voit la lumière dans mes yeux quand je rentre, les épaules relâchées, le cœur qui bat plus fort que les bielles. Alors elle dit rien. Ou juste : « Tu fais attention, hein ? ». Ce qui, traduit du conjugal, veut dire : « Je t’aime, mais t’as intérêt à rentrer entier. »

Et moi, je promets. Pas d’arsouille débile, pas de prise de risques idiote. Juste le plaisir pur. La respiration. Ma minute à moi.

L’équilibre instable, comme au ralenti

Concilier passion et famille, c’est comme prendre un rond-point en duo : faut anticiper, pencher juste ce qu’il faut et garder un œil sur la sortie. C’est pas simple, mais c’est faisable. À condition de communiquer, de partager, de lâcher du lest parfois. Et surtout, de ne pas culpabiliser.

Parce qu’on n’est pas de meilleurs conjoints quand on renonce à soi-même. On est de meilleurs compagnons quand on vit pleinement. Avec respect. Avec joie. Avec ce foutu casque qui traîne toujours quelque part.

Chérie, j’ai baissé la béquille

Alors non, la moto n’est pas incompatible avec la vie de famille. Elle la rend plus intense. Plus libre. Plus vivante. À condition de ne pas en faire une maîtresse cachée, mais une passion assumée.

Un blouson dans l’entrée, c’est pas un signe d’égoïsme. C’est un rappel. Que l’homme qui vit ici est aussi ce gosse de 16 ans qui rêvait d’évasion. Et qui, malgré les couches, les réunions parents-profs et les factures, continue de vibrer.

Et si parfois ça soupire dans le salon, tant mieux. Ça veut dire qu’il y a encore quelqu’un qui tient à vous. Qui vous attend. Qui vous aime.
Et ça, c’est plus précieux que n’importe quelle cylindrée…

 

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